Les deux concurrents sont comparables en termes de stature, de taille et de marché en France, mais ont des orientations stratégiques différentes en termes de diversification et d'axes de développement. Dans un contexte d'inflation en forte hausse, de sinistres climatiques et de taux d'intérêt, les mutualistes Aéma et Covéa tirent plutôt bien leur épingle du jeu sur leurs trois moteurs : croissance, rentabilité et solvabilité. Cependant, les deux groupes, de taille proche en France, n'ont pas suivi la même trajectoire.
Né début 2012 de la fusion de la Macif et d'Aésio Mutuelle, Aéma Groupe a rejoint Six mois plus tard Aviva France (devenu Abeille Assurances) et Ofi Invest en septembre 2022. Pour sa deuxième année d'activité, le groupe se classe au quatrième rang des assureurs français, couvrant 11 millions d'assurés. Le groupe Covéa a été créé il y a vingt ans à l'initiative de la Maaf et de la MMA, auxquelles GMF a également adhéré. En 2022, Covéa a acquis PartnerRe auprès d'Exor, la holding de la famille Agnelli, en juillet, rejoignant ainsi le top 10 de l'industrie mondiale de la réassurance.
Rentabilité sous pression
En 2022, les résultats nets des deux Sgam (sociétés du groupe mutualiste) ont augmenté. Le bénéfice de Covéa de 896 millions d'euros, dont 776 euros sur le seul marché français, devance Aéma avec un résultat net de 122 millions d'euros. Covéa bénéficie pleinement de l'effet PartnerRe : plus d'un tiers du résultat net du groupe (348 millions d'euros) provient des réassureurs. Pour autant, le groupe n'échappe pas à des vents contraires qui jouent également contre ses rivaux. Le marché français sera particulièrement déprimé en 2022. Dans l'assurance IARD leader, les primes acquises n'ont augmenté que de 0,5 % et le ratio combiné est en baisse de 2,5 points de pourcentage à 99,1 % en 2022 - impact des sinistres liés à la chaleur en France.
Le pôle Dommages d'Aéma Groupe a également enregistré des pertes de 33 millions d'euros du fait de l'impact exceptionnel des sinistres climatiques. Mais c'est l'activité santé du groupe qui a le plus souffert, avec une perte d'environ 66 millions d'euros, dont 100% des pertes de la réforme santé. Mauvaise performance, principalement tirée par Aésio Mutuelle, dont le résultat net 2022 était de -70,1 millions d'euros. Enfin, une hausse assez rapide des taux d'intérêt de 300 points de base a pénalisé les placements de ces deux groupes, tous deux reflétés dans leurs soldes sous forme de moins-values latentes associées à leurs portefeuilles obligataires.
Stratégie de diversification unique
Les deux concurrents sont comparables en France en termes de statut, de taille et de marché, mais ont fait des choix récents différents en termes de stratégie et de diversification. La voie choisie par Aéma en 2022 passe notamment par le renforcement de ses activités Dommages via l'acquisition de Mondial Pare-Brise par la Macif. En santé, l'adhésion de la Mutuelle des professions de la justice (MMJ) à l'UMG Aésio Macif (association d'entraide collective constituée par Aésio Mutuelle, Apivia Macif Mutuelle, Ibameo et la Mutuelle nationale des personnels de l'aviation en France) s'inscrit dans une réforme complémentaire de la société de protection des fonctionnaires (PSC). Comme Covéa, la Macif, avec la Matmut, tente d'acquérir CCR Re pour 800 M€ pour prendre pied dans la réassurance. La tentative finit par avorter et le tandem SMABTP et MACSF l'emporte.
Covéa, en revanche, est assez prudente sur ses nouveaux projets. Compte tenu de la faible rentabilité attendue de ce marché, la réforme de la CSP ne représente pas un axe central pour son développement. À une exception près : depuis, le ministère des Armées, l'Unéopôle, la Covea et les partenaires au sein de la commune Unéo n'ont apparemment pas encore arrêté de stratégie d'alliance pour le prochain appel d'offres santé.
Axé sur la protection de PartnerRe, l'assureur mutualiste estime que la réassurance est le meilleur moyen de se diversifier. En 2018, le réassureur français Scor lui a échappé. En mars 2020, il a d'abord jeté son dévolu sur PartnerRe, mais sans succès. Aujourd'hui, c'est chose faite, mais aucune synergie ni économie d'échelle ne doit être recherchée dans cette acquisition. « La rentabilité de PartnerRe contribue au renforcement de la solidité financière du Groupe », souligne Sylvestre Frézal, directeur général délégué de Covéa. PartnerRe apporte une dynamique industrielle, les activités n'ont pas le même cycle, ce qui permet de fédérer et de stabiliser l'équipe. »
Annexe contre synergie
Plutôt qu'intégratrice, la direction de Covéa préfère parler de « l'arrimage » de PartnerRe. Début 2023, le groupe a mis en place un nouveau Directoire Groupe pour diriger les deux activités qui constituent actuellement la mutuelle : l'assurance française et la réassurance mondiale. L'équipe et l'image de marque de PartnerRe restent les mêmes. Le groupe est né de la fusion de trois mutuelles historiques, concentrant ses moyens financiers au sein de la holding du groupe, Covéa Coopérations. Les trois mutuelles disposent d'un réseau commun de réparation et de gestion des sinistres ainsi que de leur propre prestataire d'assistance, Fidelia. Compte tenu de son histoire récente, Aéma Groupe se construit progressivement grâce à de premières synergies opérationnelles et financières.
Le premier pas a été franchi par Ofi Invest, le nouveau poids lourd de la gestion d'actifs français, issu de la fusion d'Ofi AM et de l'ex-Aviva Investors France. Le groupe a également opté pour un tiers payant commun, Almerys, et le même réseau de santé, Carte Blanche Partenaires.
"Il n'y a pas de modèle !", a déclaré le directeur général Adrien Couret lorsqu'on lui a demandé dans le dernier Reavie de définir un groupe réciproque. Covéa est la fusion de trois mutuelles IARD : Maaf, GMF et MMA. C'est aussi le résultat de deux décennies de construction, avec des changements d'étapes et de moments. L'histoire d'Aéma Groupe commence avec des acteurs complémentaires : Macif (cœur de métier historique de l'assurance de biens), Aésio (santé) et Abeille (assurance de biens et épargne des entreprises). »
Deux modèles de gouvernance
Chez Covéa, la gouvernance opérationnelle autour de son PDG s'est resserrée en quelques mois. L'ensemble des opérations d'assurance à l'échelle de la France est désormais centralisé sous une nouvelle direction générale, confiée à Stéphane Duroule. De même, contrairement à la gouvernance multi-niveaux d'Aéma, le Directoire définit la stratégie du Groupe, mais chaque entité membre a sa propre gouvernance avec une feuille de route alignée sur le plan stratégique du groupe.