La hausse du coût des matériaux et la baisse du nombre de permis de construire pèseront sur les activités de SMABTP. Le groupe espère rattraper ce ralentissement en reprenant les entretiens avec CCR Re. Sébastien Acedo et Géraldine Dauvergne.

Argus de l'Assurance. Comment s'annonce 2023 pour  SMABTP ?

Pierre Espabe. L'activité dans le secteur de la construction est bonne en 2022, même si elle est pénalisée par l'inflation des coûts des matériaux, et donc pour la SMABTP également. L'activité non-vie du groupe progresse de 13% (20% l'an dernier) et l'activité envie de 4,2%. En 2023, les choses se compliquent. Le nombre de permis de construire accordés et le nombre de transactions ont eu tendance à fortement ralentir. Le secteur de la construction neuve est confronté à un triple problème. À mesure que les taux d'intérêt augmentent, les acheteurs voient leur pouvoir d'achat diminuer. Les prix de la construction augmentent en raison de l'inflation et des pénuries de matériaux. De plus, le pays souhaite réduire la zone d'artificialisation, donc moins de terrains à bâtir entraînera des coûts plus élevés pour les développeurs. Il y a une dislocation entre l'offre, le prix et la demande. Cependant, la construction s'est déroulée en une seule ligne : du permis de construire à la réception du site, il a fallu près de trois ans. Il n'y a donc pas d'arrêt brutal. Mais un ralentissement de l'industrie pourrait avoir un impact direct sur notre chiffre d'affaires.

En période d'inflation, quels compromis faites-vous pour rester en équilibre ?

Dans notre mécanisme contractuel, la base de calcul des cotisations correspond au chiffre d'affaires de l'entreprise et du site. Ainsi, 60% de notre chiffre d'affaires reflète l'inflation. Nous n'avons pas besoin de correction. En revanche, les engagements pris dans le passé doivent être réévalués pour tenir compte de l'inflation, car les coûts des sinistres seront plus élevés. Mais nous ne répercuterons pas ce fardeau sur nos clients.

Assurez-vous les panneaux photovoltaïques ?

Oui, lorsque le PV fait partie d'un cadre de risque gérable, à la fois en termes de produit et d'expertise de l'entreprise. Ce n'est pas un risque négligeable. En tant qu'organisation professionnelle d'entraide, nous le faisons pour répondre aux besoins de la profession. Dans tous les bâtiments neufs le photovoltaïque est devenu quasiment indispensable, notamment dans les bâtiments à énergie positive où ils doivent générer plus d'énergie qu'ils n'en consomment.

Comment le groupe SMABTP est-il affecté par la hausse des taux d'intérêt ?

Notre rendement adossé à l'euro sur les contrats d'assurance-vie jusqu'en 2022 est de 2 %, ce qui nous place dans la moyenne du marché. Nous avons dû reprendre une petite partie de nos provisions pour participation aux bénéfices, qui sont restées largement suffisantes pour couvrir les hausses de taux durant cette période. Du côté de l'assurance dommages, nous avons une situation quelque peu atypique avec des passifs très longs et des horizons d'investissement très courts. Ainsi, la hausse des taux d'intérêt a accru notre solvabilité à des niveaux qu'elle n'a jamais atteints, malgré l'inflation.

Quelles sont vos ambitions internationales ?

Notre plan stratégique propose de nouvelles implantations internationales environ tous les deux ans. Nous sommes en discussion avec deux sociétés aux Pays-Bas : Dupi, assureur des risques maritimes, transports et techniques, qui gère environ 200 millions d'euros de primes ; un acteur majeur du BTP avec un chiffre d'affaires d'environ 30 millions d'euros. Nous envisageons d'acquérir une participation de 50% dans Woningborg par une augmentation de capital. Dans Dupi, nous avons racheté une participation majoritaire, l'actuel dirigeant, en qui nous avons entièrement confiance, reste au capital. Aujourd'hui, l'international représente 5 à 10 % de notre chiffre d'affaires.

Pourquoi avez-vous acheté CCR Re ?

Nous considérons la réassurance comme une source de diversification de nos revenus qui ne nous éloigne pas de notre métier principal. Les agences de notation mettent souvent l'accent sur notre capital solide tout en mettant l'accent sur notre concentration sur l'industrie de la construction. Ainsi, cet investissement à long terme nous permet d'utiliser nos fonds propres excédentaires dans des activités diversifiées sans perdre de vue notre mission d'accompagnement des secteurs de la construction et de l'immobilier.

Le timing est plutôt bon car la réassurance est dans un cycle haussier si l'activité dans le secteur de la construction baisse. Avec un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros, CCR Re est à notre taille. Notre montant d'investissement est inférieur à 10 % de l'allocation en actions. Le prix correspondra au montant du capital S2 de CCR Re. Par conséquent, la valeur n'est pas détruite. CCR Re est rentable et nous pensons qu'elle le restera. Nous n'avons pas l'intention d'interférer avec les opérations. Nous faisons confiance à nos employés et à notre équipe de direction. Surtout, nous ne souhaitons pas utiliser CCR Re comme réassureur interne. Il ne s'agit pas d'un projet industriel, mais d'un projet d'investissement stratégique à long terme.

Dans quelle mesure la SMABTP est-elle encore affectée par la débâcle des assureurs SPL qui a plombé l'assurance construction ?

Quand je regarde les décisions de l'ACPR, j'ai l'impression que nous allons dans la bonne direction. Cependant, nous avons négligé un sujet essentiel : le rôle des intermédiaires dans le choix des compagnies d'assurance. Les assureurs doivent être sélectionnés en fonction de leur fiabilité et de leurs notations financières, et non du prisme des niveaux de commission de paiement. Ce n'est pas la bonne façon de procéder, nous l'avons vu. Nous avons encore de nombreux recours infructueux ou des non-paiements de compagnies d'assurances qui n'existent plus. Nous absorbons encore beaucoup d'impayés sur la branche longue (décennie RC) que nous absorbons.

La liquidation judiciaire de Geoxia (Maison Phénix) en octobre dernier laissait 1 500 chantiers à mener, dont 75 % étaient gérés par son ravisseur Imothep et 25 % par Axa et votre filiale CGI Bat. Comment se passe l'affaire ?

En ce qui concerne notre filiale CGI Bat, l'augmentation des coûts de construction et les problèmes d'utilisabilité artisanale ont produit des volumes nettement plus élevés que prévu pour ce dossier. Le coût de traitement de ce dossier s'est élevé à 19 millions d'euros contre une estimation initiale de 9 millions d'euros.

Pourquoi André Renaudin a-t-il pris la présidence de Roam après sa démission ?

Je tiens à rendre hommage à André Renaudin, le Président, qui consacre l'essentiel de son temps et de son énergie au service de Roam et de ses membres. Les membres m'ont nommé directeur de l'association avec pour mission de réfléchir à son évolution et de proposer un nouveau modèle de gouvernance lors de l'AG de juin. Les membres de Roam prennent l'association très au sérieux et sont très engagés. De plus, je suis convaincu que des mandats plus courts (deux ans au lieu de trois), des systèmes de rotation non renouvelables facilitent l'engagement et encouragent les carrières de nos dirigeants de PME d'assurance, ce qui est au cœur du conseil d'administration. Nous n'avons pas l'intention d'être une grande association, mais voulons offrir un service et un soutien à nos membres.