L'heure est à l'ajustement dans de nombreux secteurs et l'équilibre technique des systèmes de protection sociale continue de se détériorer. Les compagnies d'assurance prennent désormais des mesures drastiques pour améliorer la situation.

C'était il y a neuf mois. En juin 2022, Malakoff Humanis a résilié les contrats santé et/ou prévoyance des quatre branches professionnelles retenues par le groupe (Aide à Domicile, CCN 66, Contrat Enseignement Privé et Casino). "Un coup de semonce impressionnant", commente Franck Duclos, directeur général adjoint du cabinet de conseil en protection sociale Actense.Pourtant, l'état d'avancement des régimes de ces branches est bien connu. "Au fil des ans, ces régimes - tant du côté santé que du côté prévoyance - ont été gérés par des institutions de prévoyance (IP) avec des injections techniques et financières", a déclaré Damien Vieillard-Baron, président du courtier en assurances collectives Gerep.

Il y a de plus en plus de contrats déficitaires

Vieillissement de la population active, inflation stoppée, baisse des taux d'intérêt... Depuis 2010, les programmes de la branche - notamment ceux de la prévoyance - souffrent d'un environnement défavorable. Selon un rapport de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l'assurance prévoyance collective a enregistré fin 2020 un "taux de sinistralité excessif", avec des prestations complémentaires s'élevant à 1,6 milliard d'euros.

Résultat : certaines filiales ont désormais des contrats fortement déficitaires. Christophe Scherrer, directeur général adjoint du groupe de protection sociale chez Malakoff Humanis, a lui aussi estimé avoir « atteint la limite du passage de la désignation à la recommandation ». Avec la mise en place de cette nouvelle procédure, les coûts de chargement sont passés de 10% à 20% en raison de l'effort commercial plus intensif requis. Christophe Scherrer souligne : "Dans la plupart des branches, cependant, de telles augmentations de coûts n'ont jamais fait l'objet de renégociations avec les partenaires sociaux", notant que le ratio combiné des branches est encore estimé à 113% ces derniers temps : "Cela veut dire qu'à chaque fois qu'on perçoit 100 euros, on dépense 113 euros. » Longtemps, ce déséquilibre du plan ramifié n'était plus « acceptable ». C'est ce qui a conduit Malakoff Humanis à s'arrêter l'été dernier. "Certains nous ont reproché une approche un peu grossière. Notre objectif n'était pas d'être brutal, mais de créer une prise de conscience collective. Cette 'prise de conscience' semble s'être propagée à l'ensemble du marché", explique Christophe Scherrer. La contribution comme projet prioritaire. Bruno Angles, directeur général d'AG2R La Mondiale, soulignait dans notre chronique de mai dernier : "Nous devons avoir un dialogue de vérité avec nos clients, grands clients ou affiliés professionnels, pour qu'ils acceptent de payer un juste prix". nos politiques de souscription et de renouvellement sont plus strictes que les années précédentes », confirme Pascale Soyeux, Responsable Santé et Prévoyance et Accords Affiliés chez AG2R La Mondiale.

Avec son plan 2025, l'organisation mutualiste Vyv entend s'attaquer de manière déterminée aux caisses de prévoyance et aux assurances collectives. « Pour cela, nous nous appuyons beaucoup sur les agences, un marché qui, selon nous, reste attractif », précise Marie-Hélène Seguy. Mais selon le directeur du développement collectif, il ne sert à rien de fermer les yeux sur la santé de certaines routines. « Si on veut faire expirer des inscriptions, il faut sécuriser les soldes de nos comptes », a-t-elle insisté, précisant que son équipe avait « entamé un travail de rééquilibrage avec certaines agences ».

En ajoutant... par pédagogie

Pour de nombreux acteurs, la gestion concerne également les taux de chargement. Malakoff Humanis a décidé de les augmenter progressivement, en moyenne de 10% à 16% par portefeuille sur les trois prochaines années. "Notre idée est de supprimer ces augmentations pour qu'elles puissent être absorbées et ne réduisent pas le ratio technique", souligne Nicolas Desormière, directeur de la branche Malakoff Humanis. Cette politique plus ferme s'est accompagnée d'une plus grande pédagogie des partenaires sociaux (voir tableau ci-dessous), quitte à avoir des discussions « complexes mais responsables », comme le révèle Philippe Dabat, membre du Directoire du groupe AG2R. La Mondiale, Responsable Santé et Prévoyance. Pascale Soyeux note : « À partir du moment où nous leur expliquons que nous ne pouvons plus gérer certains programmes à perte, nos interlocuteurs en agence comprennent et souvent approuvent notre démarche ».

En fait, les représentants des branches sont plus sensibilisés à ces questions. "Nous sommes aujourd'hui fréquemment sollicités par les affiliés pour revoir ces plans d'un point de vue technique et financier. En d'autres termes, une analyse externe des évaluations faites par les assureurs, tout en offrant une perspective d'évolution sur trois à cinq ans afin d'objectiver les besoins de rééquilibrage du système », révèle Damien Vieillard-Baron. « Nous devons travailler plus concrètement avec les affiliés pour trouver le juste équilibre entre le niveau des dons et le contenu des garanties, ainsi que des actions préventives et socialement innovantes pouvant être menées avec un haut niveau de solidarité », confirme Marie- Hélène Séguy du groupe Vyv.

Examiner les coûts en interne

Autre mesure proposée pour garantir la pérennité du dispositif : l'épargne interne. Malakoff Humanis s'est fixé pour objectif de réduire de 4% les coûts de fonctionnement des agences d'ici 2026 en agissant sur ces projets de gestion et de distribution. « Nous industrialisons un certain nombre de processus internes », témoigne Nicolas Desormière avec la « digitalisation des processus de vente » ou encore la « gestion entièrement numérique des stations d'accueil ». Quoi qu'il en soit, cette nouvelle politique pour les affiliés encourage les organisations à réfléchir davantage aux documents de candidature. « Auparavant, nous avions tendance à répondre à un grand nombre d'appels d'offres. Désormais, en tant qu'AG2R Prévoyance, nous sommes très sélectifs, avoue Philippe Dabat. Nous nous posons systématiquement la question : quel intérêt avons-nous à réaliser tel ou tel régime ? . »

Reprise bilatérale

Et terminer, dans tout ça ? Pour tous les acteurs interrogés, il s'agissait d'un dernier recours déployé lorsque toutes les voies de discussion possibles avaient été épuisées avec les partenaires sociaux rejetant un éventuel changement de régime. "C'est juste qu'en fait, ces menaces ne devraient pas se répéter à grande échelle à l'avenir."Les affiliés comprennent les défis auxquels ils sont confrontés", a déclaré Franck Duclos d'Actense. Depuis l'annonce de la nouvelle stratégie de gestion des agences en novembre dernier, Malakoff Humanis n'a résilié aucun contrat, et AG2R La Mondiale a indiqué n'avoir perdu aucun client suite à l'ajustement tarifaire.