Après dix mois à la direction générale d'AG2R La Mondiale, Bruno Angles revient sur les projets qu'il a menés et expose ses ambitions de développement dans le cadre du programme New Deal. Entretiens avec Sébastien Acedo, François Limoge et Nicolas Thouet. 

Comment se déroule le plan de relance d'AG2R Prévoyance ?

Le plan approuvé à l'unanimité par notre conseil d'administration du 9 juin fixait quatre objectifs pour redresser les comptes d'AG2R Prévoyance : rétablir l'équilibre des contrats de santé et de prévoyance dans toutes nos sociétés et filiales, maîtriser nos frais généraux et renforcer notre politique de souscription et renégociation de la réassurance interne et mutuelle entre AG2R Prévoyance. Le plan prévoit le retour à l'équilibre d'AG2R Prévoyance d'ici 2025, ce qui nous oblige à améliorer nos performances de 130 millions d'euros en année pleine. Nos travaux porteront donc environ 60% sur les contrôles techniques et 20% sur nos frais administratifs (environ 26 millions d'euros) en indexant et révisant nos frais administratifs (environ 78 millions d'euros), en axant 20% sur la renégociation de la réassurance interne ( environ 26 millions d'euros).

Actuellement, nous sommes en ligne avec l'exécution de ce plan, et même un peu en avance. En peu de temps, nous avons réussi à réviser nos politiques de souscription et de tarification sans provoquer le départ d'un seul client. Cela témoigne du fait que nous avons été en mesure d'enseigner la tarification au juste prix. Dans ce contexte, la santé et la protection des personnes sont-elles encore un axe de développement pour ce groupe ? En ce qui concerne ces activités, il convient de distinguer le court et le moyen terme. À court terme, notre objectif est d'améliorer la performance économique de l'assurance santé et prévoyance. Une fois que nous aurons démontré notre capacité à être rentables dans ces activités, nous pourrons à nouveau avoir des ambitions de croissance. En tout cas, aujourd'hui, il est tout à fait irresponsable de continuer à évoluer dans un modèle perdant… Alors, avez-vous déterminé la stratégie de la réforme de la CFP des fonctionnaires ?

Comme je l'ai souligné, notre priorité numéro un en matière d'assurance maladie et CPF est de rétablir l'équilibre. À cette échelle, cependant, la providence collective est plus difficile à profiter que la providence individuelle. Il n'y a donc pas d'alignement stratégique pour vouloir développer cette activité sur laquelle nous perdons de l'argent. C'est pour cette raison que nous avons choisi aujourd'hui la CFP de la Fonction Publique.

À l'inverse, sur quels axes de développement AG2R La Mondiale entend-elle se positionner ?

Nous devons d'abord accélérer le développement de l'activité d'épargne et de retraite, et nous avons obtenu de bons résultats dans ce domaine et sommes en position de leader. Nous devons être capables de capter des opportunités de croissance interne et externe en acquérant des portefeuilles ou des sociétés nous permettant de nous développer significativement dans ces métiers. Nous misons aussi sur la diversification en assurance de biens, autre axe de développement. Pour cela, nous envisageons plusieurs pistes possibles : fusions, partenariats de distribution ou acquisition d'une société d'insurtech, ces options ne s'excluent pas mutuellement. La solution des partenariats de distribution croisée est de loin la plus susceptible de se concrétiser à court terme.

Comme annoncé par plusieurs sources en octobre dernier, un partenariat avec la Maif est-il prévu ?

Il y a en effet eu des rumeurs médiatiques à ce sujet, que nous n'avons jamais commentées. La seule chose que l'on puisse dire est qu'à ce stade, s'il s'agit d'un partenariat commercial à des fins de distribution croisée, c'est un bon choix de coopérer avec Mave Group. Au premier semestre 2023, nous pourrons clarifier certaines choses.

Les résidences seniors investies par le groupe constituent-elles également l'axe de développement ?

Si nous démontrons notre capacité à rentabiliser notre investissement dans le groupe Domitys et démontrons en même temps que nous y sommes de bons actionnaires, alors nous pourrons envisager une croissance externe dans ce périmètre dans la deuxième partie du business plan. De plus, une population vieillissante signifie que nous envisageons des services supplémentaires autour du thème du vieillissement.

Pourquoi est-il important d'avoir un système d'information (SI) unique pour votre équipe ?

Mon prédécesseur à la tête d'AG2R La Mondiale a été l'artisan de l'agrégation de nombreuses entités aux statuts juridiques différents. Si ces coordinations produisent un vrai travail de gestion de l'unification, il y aura toujours des systèmes d'information coordonnant différentes structures, car nous avons actuellement un patchwork de SI qui ne communiquent pas entre eux. Nous avons donc créé une feuille de route pluriannuelle pour développer un système d'information unique qui nous permettra d'améliorer l'expérience client tout en améliorant l'expérience employé. Ce dernier doit parfois ouvrir jusqu'à huit fenêtres sur son ordinateur pour répondre à une simple question sur le remboursement. Cet objectif représente un effort d'investissement de 630 millions d'euros au cours des six prochaines années. Nous voulons construire un système de plate-forme dans lequel chaque entité peut être connectée. Ce n'est en aucun cas la vision d'un système propriétaire.

Que pensez-vous de la critique de Bruno Le Maire sur le manque d'engagement des assureurs dans la transition écologique ?

Le groupe a adopté une politique climatique dans sa gestion d'actifs d'ici 2020, excluant les entreprises qui tirent plus de 20% de leur production ou de leur chiffre d'affaires du charbon, et se réduit progressivement à l'exclusion totale du charbon d'ici 2030. Elle a été renforcée à deux reprises ces derniers mois : en juin dernier, la sortie des hydrocarbures non conventionnels d'ici 2025 ; puis en décembre, l'exclusion prévue d'ici 2027 des entreprises qui ne réduiraient pas leur production totale d'hydrocarbures d'ici là. Ces deux engagements s'accompagnent d'un engagement de limitation de la contribution du portefeuille au réchauffement climatique, exprimé en termes de hausse de température : fixé à 2,6 degrés en 2025, 2,5 degrés en 2030, et dans l'objectif de 15 degrés pour 2050 . Par ailleurs, AG2R La Mondiale publie annuellement la trajectoire de température du portefeuille, ainsi que la part des obligations vertes, dans son rapport Investissement Responsable. Au 31 décembre 2021, ils représentent 5% du portefeuille.

Mais tu te méfies de ces promesses...

Nos politiques climat et responsabilité sociétale sont ambitieuses. Nous avons pris un engagement fort, nous avons agi, mais nous n'avons pas suffisamment sensibilisé les gens. Ainsi, mieux communiquer sur notre soutien aux actions de lutte contre le réchauffement climatique fait partie de nos objectifs 2023.

Le Groupe AG2R La Mondiale entend-il continuer à sponsoriser le cyclisme ?

Nous nous engageons auprès de France Cyclisme jusqu'à fin 2025. Il est trop tôt pour s'engager au-delà de cette date. Vingt-cinq ans d'investissement dans le cyclisme ont porté à 80% la notoriété globale d'AG2R La Mondiale. Nous investissons 18 millions d'euros par an dans cette équipe, mesurer le retour sur investissement est essentiel. Le cyclisme a beaucoup changé ces dernières années, avec des phénomènes inflationnistes comme l'arrivée d'États souverains comme investisseurs. Ce nouveau contexte nous fait réfléchir.