Un an plus tard, les réformes de l'assurance emprunteur arrivent sur le marché. Michel Joie, directeur des ventes vie et santé chez Swiss Re, discute de la première leçon de la loi de Lemoine entre le succès du RIA et la hausse des prix. La loi Lemoine a été conçue pour réduire les coûts d'assurance et étendre la couverture en supprimant les questionnaires de santé.
Un an plus tard, a-t-il atteint son objectif ?
La suppression du questionnaire de santé élargirait bien sûr l'assurabilité des demandeurs de crédit, avec un montant assuré de 200 000 € par emprunteur - 400 000 € pour un couple - et une durée maximale de 60 ans permettant un grand nombre de sinistres. Pour mémoire, rembourser un prêt de 200 000 euros sur 25 ans, c'est déjà près de 1 000 euros par mois de frais de remboursement, selon le taux d'intérêt effectif ! Celui-ci ne peut excéder le tiers des revenus, un revenu annuel de 36 000 € est donc requis. Ainsi, en pratique, plus de 80% de la population bénéficie du système.
En terme de prix ?
L'objectif de réduction du coût de l'assurance sera atteint grâce à une plus grande concurrence soutenue par le mandat d'assurance. En pratique, la résiliation en cours d'année (RIA) a bien fonctionné, même si les banques étaient un peu débordées au début, mais les délais se sont normalisés. Leur vigilance s'est toutefois portée sur des normes extérieures au Comité consultatif du secteur financier (CCSF) ou sur une vision plus contraignante.
Cependant, nous avons observé une augmentation moyenne de 20% à 25% des coûts d'assurance pour la plupart des acteurs du marché alternatif, car les alternatives ont peu de marge de manœuvre pour absorber les coûts supplémentaires et la volatilité causés par le renoncement aux options médicales. Si elles sont techniquement compréhensibles, ces hausses de prix pèsent davantage sur les revenus des ménages en période d'inflation et de réduction de la capacité d'emprunt. En fait, si vous voulez vraiment réduire le coût de l'assurance pour le plus grand nombre de personnes, il n'est peut-être pas judicieux d'annuler le formulaire de visite médicale ! La convention Aeras est cependant unique en France et vise à protéger les consommateurs les plus vulnérables dont les risques sanitaires sont accrus tant qu'ils restent dans l'assurabilité.
Le taux de résiliation des contrats existants se stabilisera-t-il rapidement après avoir culminé après l'entrée en vigueur des réformes ?
Le stock important sur lequel RIA s'est concentré lors de sa création va bientôt passer : ceux qui veulent changer ont déjà changé. Par conséquent, les derniers travaux que le RIA peut effectuer apparaîtront bientôt. Ce phénomène devrait donc ralentir quelque peu avec le temps.
Que pensez-vous de la crainte exprimée par certains de voir se multiplier les comportements anti-sélectifs - des personnes achetant à crédit en se sachant gravement malades puis transmettant le patrimoine à leurs héritiers à leur décès ?
Ils sont légaux. En théorie, avec de bons conseils et des moyens financiers, il est possible de mener des opérations d'arbitrage qui profitent à soi et nuisent à la communauté des assurés. Il est également préoccupant que des assurés qui étaient initialement exclus de la couverture ou des surprimes puissent demander une modification lorsque leur capital restant dû tombe en dessous de 200 000 EUR et qu'ils se rendent compte que le risque d'exclusion est sur le point de se matérialiser. Possibilités de changer de contrat pour obtenir une assurance seront exploités. Ces métastases étaient en moyenne plus graves que prévu. Dans tous les cas, il existe un fort besoin de gestion des sinistres afin d'ajuster la tarification et de mieux identifier les canaux de distribution spécialisés dans les situations les plus à risque.
La réforme contribuera-t-elle à terme à ouvrir davantage un marché largement dominé par les bancassureurs ?
La loi Lemoine a certes permis d'ouvrir temporairement le marché de la consignation pendant que les banques s'adaptaient aux nouveaux processus de gestion. Désormais, le nombre de nouveaux groupements marchands fond comme neige au soleil, ce qui peut faire douter ! Le crédit immobilier est voué à se contracter, ce qui expliquerait la baisse du nombre d'autorisations d'établissement, et non la baisse en pourcentage. L'avenir nous dira où se situe la part de marché des emprunteurs en bancassurance, mais dans un marché aussi concurrentiel que celui de l'assurance habitation ou automobile, leur part avoisine les 80 %.